Je me souviens.
Je me souviens parfaitement.
L'image est encore ancrée dans mon esprit.
Je la revois encore, cadavérique, les yeux béants, les pieds dans le vide, le corps se balançant lentement, lourdement.
Je suis paralysée.
Son regard est rivé sur moi. Deux puits sans fond qui me regardent. Mornes. Vides. Morts.
J'ai huit ou neuf ans. Je suis debout, dans le cadre de la porte, à observer ma mère pendue au lustre. Les larmes ruissellent. Je tremble. Le cri reste coincé au fond de ma gorge, là où se développe une panique, une angoisse jusqu'alors inconnues.
Je cligne des paupières.
Je suis là, assise sur le bord de mon lit. Je viens de me réveiller. C'est la dixième fois que je la hèle. Maman ne répond pas.
Je suis assise sur mon lit, seule, et j'ai pourtant l'impression d'être, en même temps, debout dans le salon, à contempler le cadavre de ma mère.
Je suffoque. Je sanglote à n'en plus finir. Je ne savais même pas que j'avais autant de larmes en moi.
Il se passe de longues, longues minutes où je ne sais pas où je suis et ce que je vois. Je ne sais pas si je suis dans ma chambre ou le salon, mais je sais que Maman n'est plus là, et
Et j'entends la clef, à l'autre bout de la maison, qui tourne dans la serrure de la porte d'entrée.
Je l'entends qui parle à l'un des voisins. J'entends sa voix, un petit rire. Je l'entends qui rentre.
Ni une, ni deux, je parviens à me détacher de ma paralysie. Je me jette hors de mon lit et accourre. Je saute dans les bras de ma mère, inonde ses épaules de pleurs, la serre au plus fort.
"J'ai cru que tu étais morte", que je hurle.
Maman est vivante. Je presse actuellement sa main.
Pourquoi, si jeune, j'ai vu cette mort ?
Pourquoi, encore, l'image me hante ?
Cette image, cette "vision", cette abomination que j'ai imaginée mais qui, pourtant, me paraissait si vraie, fut la première d'une très longue liste inachevée.
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